Je suis épuisée, je veux dire genre, vraiment vidée. J'arrive d'un examen théorique où la prof s'est fait un devoir d'être ultra chiante en posant des questions vraiment précises sur les trucs sur lesquels on a pas du tout insisté. Y'a des filles qui sont sorties de la salle en braillant, moi, juste la mine basse. J'ai étudiée comme une malade en me déplaçant chaque soir à la bibliothèque de la fac, parce que près de Jaxhuem, je parviens pas à me concentrer, qu'il soit dans sa chambre, dans la cuisine ou dans la salle de bain. Puis il prend trop de plaisir à venir me déranger en passant ses bras autour de ma taille quand j'dois être sérieuse, et je sais que j'aurais plus envie de ronronner contre lui que de me remettre à mes bouquins qui m'emmerdent. J'ai du m'expliquer quand j'suis tombée endormie raide et que j'ai passé le trois quart de la nuit assoupie sur la table de travail. La seule façon de le faire taire, c'est de lui dire qu'il est jaloux. Il pique un fard, et il me boude. Putain, qu'est-ce qu'il est chaud quand il me fait la tête...

« Mouais? » que je lance quand il émerge lui aussi de sa chambre. J'imagine, à la tête qu'il a, qu'il vient de se coltiner son tour de garde à l'hôpital. J'ai pas eu stage cette semaine, j'ai pas eu l'occasion de le voir avec son sarrau, son sourire malicieux et son regard brillant quand on se croise. Il fronce les sourcils en me regardant. Je pose ma main sur ma hanche, penche légèrement la tête « Bon, qu'est-ce qu'il y a Montgomery, c'est pas comme si tu les avais jamais vu, mes jambes... ». D'accord, c'est pas particulièrement correct que de déambuler en culotte dans l'appartement, mais il m'a vu tellement souvent que ça devrait pas... oh. Je vois. Le t-shirt. Ample. Le t-shirt que porte un garçon. Je souris, amusé. Crispe ma main sur le tissu du haut « Tu reconnais pas tes fringues ou quoi? ». C'est moi qui lui fait sa lessive quand j'en ai marre d'en voir traîner à gauche et à droite, puis comme j'aime bien entrer dans sa chambre à l'improviste et que je suis freak du ménage, je m'en donne à coeur joie. Je ris doucement en me retournant, ouvrant le frigo, attrapant le jus, le portant à ma bouche. J'en prends une gorgée, en échappe sur le haut. M'essuie la bouche, détourne la tête vers lui. Son regard me lâche pas. Frisson qui me traverse « T'a faim? ».

« Dr. Montgomery, quand vous aurez fini de faire des post-up vous viendrez me voir dans mon bureau. » J’me retourne vers mon supérieur et lui fais un signe de la tête qui conclut la conversation. J’suis plutôt aimé ici, ce qui est bien parce que quand on travaille en médecine c’est dur de travailler avec des gens qui nous aiment pas et qu’on a du mal à voir. J’le dis parce que j’ai failli le vivre mais la connasse qui tentait d’me mettre des bâtons dans les roues a été virée du programme la semaine dernière. J’termine la vérification des branchements par intraveineuses de madame Jenkins et m’dirige vers la salle des résidents. Drôlement, ça me fait marrer à chaque fois que j’suis devant – les internes y ont pas accès – parce que ma supérieure me fait rentrer et me fait surtout du rentre-dedans mais je la repousse gentiment, assez pour qu’elle ait pas envie de me couper en morceaux et assez pour qu’elle soit satisfaite en tout temps. Quand elle l’est pas, j’en paie le prix. « La semaine prochaine j’organise une fête chez moi, les membres du staff de l’hôpital y sont invités, ça te tente ? » Et moi qui croyais que c’était vraiment pour lui filer les post-up que j’viens de faire. « Euh ouais, j’vais voir si j’peux. » Elle a envie de me dire de pas emmener Jhey, je le sens, mais elle sait qu’on habite ensemble et peut pas tellement se permettre ce genre de remarques parce que j’risque de partir au quart de tour. Soit, c’l’heure que j’rentre chez moi. La femme qui m’y attend m’intéresse bien plus que ma supérieure – sans vouloir être méchant. Elle est canon, mais elle est pas Jheylann, alors j’doute qu’elle réussisse vraiment à capter mon attention. « Bonne nuit Jax. » Que Lys me dit quand elle me voit partir de l’hosto. J’lui adresse un sourire innocent et j’entre dans ma bagnole. Une fois rendu devant l’édifice, j’me demande si Jhey est là. J’aimerais que ce soit le cas, ça m’éviterait d’me soucier de tout c’qui peut lui arriver si elle l’est pas.

Euh… C’est le chandail de qui qu’elle porte là ? J’fronce les sourcils et croise les bras alors qu’elle affiche une expression amusée. « Mes fringues ? » Le chandail, il… Ah bordel ouais, j’le replace. J’avoue que j’suis pas totalement upgrade quand il s’agit de faire le ménage et de faire ma lessive, alors elle le fait. J’me demande souvent c’que j’ferai sans elle, sérieusement. « Ah, ouais, j’vois… » Y’a qu’une petite culotte en dessous, je le vois presque, et ça m’fout des frissons violents. J’me mords la lèvre avant de fermer les yeux pour faire descendre le rush d’excitation qu’elle vient de faire monter en moi. Ça fait un moment qu’on a pas passé un peu de temps ensemble parce qu’elle est occupée et que j’ai pas vraiment le temps non plus. J’ose pas tellement l’appeler, je vis déjà avec elle alors j’aurais l’air plus stalker qu’autre chose. « J’ai toujours faim. » De toi. J’m’approche et me mets assez proche pour qu’elle soit bloquée et qu’elle puisse pas se rendre jusqu’à la table. Je plonge mon regard dans le sien, replaçant une mèche rebelle derrière son oreille avant de déposer mes lèvres sur la commissure des siennes. « Bon matin. »

Je sais que je devrais peut-être faire preuve de davantage de pudeur si j'veux pas qu'on m'étiquette comme la salope de service qui se fait un plaisir monstre à passer d'un ancien petit-ami à l'un de ses meilleurs amis. Je ne me permets pas souvent de songer au fait qu'Ahàron et Jaxhuem sont proches depuis le lycée, l'était, je sais pas. J'ai pas osé demander à l'un ou à l'autre quoi que ce soit, comme si j'avais peur de la réponse qu'on me donnerait. Je secoue la tête, respire un bon coup, me dit qu'il existe suffisamment de raison de pleurer dans ma pathétique existence sans en rajouter une couche. Je bâille dans le creux de mon coude, dire qu'on est seulement que la fin de matinée, j'meurs d'envie de retourner m'emmitoufler dans mes draps et rouler dedans en fermant les yeux. Quoique, la présence de Jax à ça de bon qu'elle met tous mes sens à l'éveil « Mes fringues ? ». Je relève le menton, croise son regard, remarque son haussement de sourcil, ses bras croisés sur son torse. Amusée, je penche légèrement la tête « C'est ça Sherlock, l'un des dizaines du genre qui traîne dans ta garçonnière ». Je passe la main dans mes cheveux en lâchant un rire, me faisant violence pour détacher mes yeux de lui, presque autant que de ne pas commenter le fait que son regard se braque sur moi pour pas me lâcher. C'est agaçant et flatteur à la fois, puis ce serait mentir que de dire que j'cherche pas à ce qu'il me matte, quand même. J'me penche pour voir ce qu'il y a dans le frigo, attrape quelques fruits, du yaourt. Y doit avoir du granola quelque part sur le comptoir, bah quoi? Il est pas tombé sur la fille qui se commande de la pizza et qui adore le chocolat, hein « J’ai toujours faim ». Je lève les yeux au ciel, ça lui ressemble ça, comme commentaire. Du non-dit, toujours sous-entendu. Je me redresse et j'sursaute en le voyant si proche, tout à coup, m'accrochant à ma cargaison en lui tirant la langue « On prévient quand on approche à catimini, Montgomery, j'pensais au moins t'avoir appris ça ». Je souris, dépose mes trucs sur le comptoir à gauche, il en profite pour faire un pas, déplacer une mèche de cheveux derrière mon oreille, me faire frissonner. Faut croire que ça lui suffit pas qu'il presse ses lèvres à la limite des miennes, alors que j'fermais les yeux « Bon matin ». Je mords l'intérieur de ma joue, croise son regard, un demi-sourire sur les lèvres « À toi aussi Jaxhuem » que je dis en me faufilant pour rejoindre ma future salade de fruits noix, yaourt et granola. Ça, c'est à condition qu'il me laisse trente secondes de répit pour la faire et qu'il pose surtout pas ses lèvres dans mon cou, parcelle de peau trop découverte avec ces vêtements trop grands. J'attrape un couteau, coupe une pomme en quartier, en porte un à mes lèvres, en tend un second à la bouche de mon colocataire « T'a une sale tête, tu sais? ».

Parfois j’me dis, j’suis tellement obsédé par elle à certains moments que j’me demande si elle s’en rend pas compte et qu’elle fait pas semblant d’en profiter pour me rendre complètement dingue. J’comprends pas comment j’peux être aussi dépendant d’quelqu’un, au point qu’elle devienne presqu’aussi importante que ma sœur à mes yeux, et c’est beaucoup dire parce que c’est pas arrivé à grand-monde. À grand nombre de filles en fait… Raphaëlle a longtemps été l’exception à la règle et même là, ça m’a anéanti quand j’ai réussi à me déconnecter d’elle complètement et quand j’me suis rendu compte que j’avais réussi à faire abstraction d’elle qui hantait mes pensées les plus pures que j’tentais d’avoir, en les rendant complètement malsaines et invivables. « Ma garçonnière te plait, alors shut. » Elle est tellement, tellement, tellement éblouissante dans mon chandail. J’crois même pas que j’oserais le lui retirer, ou peut-être que si, parce que c’qui est en-dessous est encore plus beau. Je le sais pour avoir espionner Jhey plusieurs fois sous la douche, alors qu’elle était parfaitement au courant et qu’elle me laissait faire inconsciemment. Pas au courant de ce que ça me faisait à l’intérieur. Tous les jours, y’a au moins cinq bonnes minutes qui sont consacrées à mes pensées envers elle. C’mal, malsain, mais j’arrive pas à faire autrement. Quand j’suis à l’hosto j’arrive à c’que ça passe inaperçu, mais Cade et Ollie se foutent joyeusement de ma gueule en me disant que j’suis entrain d’me soumettre à une sorte de pattern qui va se tourner en cercle vicieux en plus d’être un triangle amoureux. Qui a dit que j’étais amoureux de Davenport ? Ouais, j’la porte précieusement dans mon cœur, mais c’est pas clair et j’préfère pas le savoir. J’veux pas me pencher sur c’que j’ressens pour elle, parce que j’sais que si j’le fais, ça va devenir ma nouvelle obsession et que j’serai pas capable de vivre avec son rejet. On habite ensemble, ce serait foutrement trop dur de passer à côté d’elle sans avoir envie de lui demander pourquoi elle me choisit pas, alors qu’elle sait que je lui ferai jamais mal comme Ahàron a osé le faire. J’sais toujours pas pourquoi la copine… Non, l’ex-copine d’un d’mes meilleurs potes – si on l’est encore aujourd’hui – habite chez moi, et d’une part ça me fait peur de lui demander, même si j’veux vraiment des réponses. C’pas Horswood qui va m’les fournir, il va plutôt s’concentrer à me foutre une droite bien centrée qui servira à casser mon nez. Ça me serait pas très utile. J’ai beau savoir comment me soigner, j’ai pas envie d’me cacher chez moi en attendant que l’enflure et les bandages s’en aillent. Elle tente d’esquiver mes ‘avances’ matinales en se retrouvant plus loin et en commençant à couper des aliments. Elle en porte un à sa bouche et me tend ensuite un morceau qu’elle s’amuse à porter à mes lèvres. Elle me tease, elle le sait et en profite, c’est trop évident pour que je le manque. Je décide de me mettre derrière elle, de passer mes bras autour de sa taille et de rapprocher mes lèvres de son cou pour les passer délicatement. Je la sens frissonner et je souris contre son cou, ça me fait littéralement marrer de savoir que j’peux la faire trembler de désir aussi, parce que ça m’prouve qu’elle en a autant envie que moi mais qu’elle se retient pour une raison ou pour une autre. Un jour, j’l’aurais. Un jour j’aurais Jheylann Davenport et j’ferais pas le con comme Horswood pour la faire partir. J’vais la garder pour moi, en la laissant respirer. Pas la peine de la présenter à mes amis, c’est déjà fait depuis des siècles, mais putain quoi… Manquerait plus que mes parents débarquent et la rencontrent – ce que je veux jamais qui arrive, jamais, ils sont trop barges – ça lui ferait plus peur qu’autre chose. Soit… « T’essaieras de faire 72h de travail en lice, qu’on en reparle. » Je lui pique un autre quart de sa pomme et me détache d’elle un instant pour ouvrir le frigo à mon tour. Jus de pamplemousse, jus de pomme, jus d’orange et jus de fruits sauvages. J’ai jamais vu une fille qui mange aussi sainement que Davenport et j’crois que ça m’aide aussi à nettoyer mon système que j’ai besoin de garder stimulé pendant de longues heures. « Tu comptes faire quoi aujourd’hui ? » Que j’dis, nonchalamment. J’espère qu’elle a rien de prévu, vu que j’travaille pas avant cette nuit j’vais pouvoir avoir son attention toute la journée…

« Ma garçonnière te plait, alors shut ». Je souris sans rien répondre, ça ne donnerait rien, il se répond de lui-même, Jaxhuem. De toute façon, j'suis pas en position de jouer la difficile, parce que c'est grâce à lui que j'ai un toit sur le dessus de ma tête et que j'peux porter un chandail qui sent aussi bon, parce que malgré la lessive, ça sent toujours ce mélange unique de son parfum, de l'odeur de clope et de savon Ivory. J'aurais pu aller crécher chez Tinsley, elle me l'a maintes et maintes fois proposé, mais j'me sens bien ici, et pour le moment, c'est la seule chose qui compte. C'est peut-être la présence de Jaxhuem, d'avoir l'impression que j'suis désirable et sexy à la manière dont il me déshabille des yeux, même si je me maquille pratiquement jamais, que mes cheveux vont là où mon sommeil les place et que le manque de rayons du soleil estival commence à apparaître sur mon hâle naturel. C'est sans doute par désinvolture ou parce que je suis comme ça, je préfère le naturel au superficiel. Ça n'a pas l'air de lui déplaire, à Montgomery, en tout cas. Ou si c'est le cas, il le cache vachement bien, je trouve. Je me détourne, m'affaire à ce délice aux fruits que mon estomac réclame à grand cri et que, dans ma grande bonté d'âme, je propose à Jax de partager. Puis je me rends compte de mon erreur de lui tourner le dos quand ses bras m'enserrent et que ses lèvres se posent au creux de mon cou lâchement découvert. Je me crispe instinctivement en fermant les yeux, tentant vainement de réprimer un frisson qui le fait sourire contre ma peau. Je déteste et adore les réactions physiologiques de mon corps à chaque assaut de celui de mon colocataire. Je déteste avoir envie de me retourner et de vouloir presser mes lèvres contre les siennes en encerclant mes bras autour de son cou. Je me déteste pour ça, parce qu'inconsciemment, avoir envie de lui, c'est faire mal à Ahàron, quelque chose qui ne m'excite pas autant que ça devrait « T’essaieras de faire 72h de travail en lice, qu’on en reparle ». J'éclate de rire, regrettant la présence de son corps contre mon dos alors qu'il s'éloigne « Oh, mais en soixante douze heures, t'a surement eu droit à quelques oeillades pour te remonter le moral, hein ». Que de jalousie mal placée, Davenport, c'est indécent. Je continue sur ma lancée, balançant mes quartiers de pommes et d'oranges dans un grand saladier dans lequel je verse des noix et du fromage blanc battu « Tu comptes faire quoi aujourd’hui ? ». Je détourne la tête dans sa direction, haussant les épaules « D'abord, manger, parce que ça hurle là-dedans » que je lance en posant la main sur mon ventre, puis redressant la tête, croisant son regard, un sourire aux lèvres « Sinon tranquille, j'ai stage demain matin dès 6h am ». Je prends une cuillère, l'enfonce dans ma mixture fruitée, la porte à mes lèvres, visiblement ravie « T'en veux? ».

Je crois pas pouvoir dire à Jheylann que ce qu’elle me fait donne le résultat qu’elle veut. Que ses actions me touchent au plus haut point et que j’sais pas comment réagir quand j’dois faire face au rush que j’ressens quand elle est près de moi. Cette adrénaline qui m’donne envie de faire tout et n’importe quoi. C’sentiment d’être presqu’invincible. J’pourrais pas me poser devant et lui sortir une connerie du genre : tu me plais beaucoup plus que tu le devrais. Parce qu’elle le sait. Yep, elle le sait et elle en joue parce que ça lui plait de me voir lui courir après. Malgré le fait que j’aie pas que ça à faire, sérieux. Ça m’énerve parfois, parce que j’me rends compte que j’tourne en bourrique et qu’elle a rien du tout parce qu’elle me voit pas, puis j’me dis que ça va passer et que t’façon, j’vais arriver à surmonter cette étape parce que je sais qu’elle en vaut la peine et qu’après ça, y’aura que les trucs positifs qui vont venir, ou pas. Mais j’tente de positiver, garder la tête haute, me dire que si elle a quitté Ahàron c’pour une raison – c’t’enfoiré qui m’a foutu un poing, d’ailleurs – et que si elle habite chez moi, c’est parce qu’elle a pas l’intention de retourner vers lui. J’ose l’espérer en tout cas, parce que j’ai toujours vu Jheylann comme le genre de fille tolérante mais qui a ses limites, qui sont ma foi assez dures à atteindre. Faut vraiment qu’il ait fait quelque chose d’impardonnable, parce que pendant toutes ces années où j’voyais Ahàron agir, j’me demandais comment elle faisait pour l’endurer, et elle l’a fait quand même. C’est pas le truc le plus sincère, de reprocher des trucs à Ahàron ou d’lui foutre la faute sur le dos parce que c’est mon meilleur pote, mais quand ça en vient à ça, à la situation dans laquelle on est maintenant, ça m’frustre. J’peux pas juste rester là sans rien dire parce que monsieur a gaffé et que sa copine vient se réfugier chez moi. J’y peux rien, j’ai rien demandé et c’pas ma faute si j’suis sorti le soir où elle était dans le parc. Elle avait pas l’air de vouloir retourner chez elle, alors j’ai pas osé la renvoyer. Elle voulait de la compagnie, quelqu’un qui serait là même si la personne en question parle pas, c’est c’que j’lui ai offert et elle l’a pris, sans demander son reste. Elle m’a poussé à rien, j’ai tout fait moi-même, j’suis pas stupide et j’suis assez grand pour savoir dans quoi je m’embarque quand je fais quelque chose. J’comprends pas pourquoi j’ressens des trucs bizarres pour Jhey, on dirait qu’elle me complète sans que j’aie besoin de lui dire quoi faire pour rendre dingue. J’pourrais être amoureux d’elle, quand j’y pense, sérieusement. Ce serait la première fille pour qui j’ai réellement de l’intérêt depuis Rafy. Ce fantôme du passé… Putain, quand j’pense qu’elle a débarqué y’a 5 ans pour faire son point, mais j’l’ai repoussée et j’crois qu’elle a compris le message. Le truc, c’est que malgré tout, je la connais et que j’ai la chienne qu’elle revienne un jour. La situation est différente du temps où j’avais 21 ans et que la vie était simple. Trop différente… J’étais encore à l’univ et j’avais ma vie là-bas, Jheylann m’intéressait pas du tout, je voulais même pas tenter de la regarder pour pas qu’Ahàron m’étrangle dans mon sommeil. On était jeunes, on était cons, on faisait n’importe quoi sans se soucier du lendemain. Là, c’est différent. J’suis interne à l’hosto et je jongle avec des vies, j’peux pas me permettre d’être distrait par de tels trucs, ça me ferait trop chier et ça mettrait en péril la vie des gens qui se retrouvent à l’hosto. Soit, j’me concentre de nouveau sur Jheylann qui a l’air obstinée à pas me laisser lui faire autant d’effet que toutes les autres fois où j’établie un contact entre nos deux corps. « T’es jalouse ? Si tu travaillais en même temps que moi, tu pourrais m’en faire aussi des œillades. » Elle me raconte ses plans pour l’instant de maintenant et demain, mais moi c’est aujourd’hui que je la veux, parce que cette nuit j’recommence à travailler, fuck… « Tranquille, m’ouais. J’recommence cette nuit. Ça veut dire que tu vas passer la journée avec moi, tu peux pas refuser de toute façon, t’as rien de mieux à faire, j’me trompe ? » Elle entame quelques bouchées de sa salade avant de relever la tête vers moi pour m’en proposer. « Volontiers. » Je m’approche et elle m’en met directement dans la bouche. Je me mets assez près d’elle pour l’intimider, espérant que ça fera quelque chose en quelque sorte. J’ai envie de savoir ce qu’elle pense, ce qui lui passe par l’esprit et peut-être aborder des sujets plus délicats, pendant qu’on est seuls. D’habitude, c’pas évident. À l’hosto on court partout et on a pas le temps de parler, ni de se croiser. Vu qu’on habite ensemble, la moindre des choses – ce qui semble le plus logique – c’est qu’on puisse au moins profiter de nos jours de congé ensemble, non ?

« T’es jalouse ? Si tu travaillais en même temps que moi, tu pourrais m’en faire aussi des œillades ». Je souris doucement me retournant vers lui, la bouche pleine. Je pose ma paume devant pour éviter d'éclater de rire et faire un truc vachement disgracieux, mais j'hausse les épaules, le regard brillant, lui rétorque « Je suis pas jalouse, juste réaliste. De combien tu te rappelles? ». Je sais de quoi je parle, je travaille dans le même hôpital, certes pas dans son département, mais il va de soi que dans la salle de repos, j'en entends des mots d'esprits sur l'interne Montgomery « Ça te plairait que je te fasse du rentre dedans devant tout le monde? » que je lui demande, curieuse de connaître la réponse de mon interrogation. Je me doute de ce que ce sera, car si en privé on s'en donne à coeur joie, aux yeux de tous - sauf Tinsley et Jubilee, évidemment - il est simplement celui qui me donne un toit et qui s'est tapé une fille de plus. Oh, la réputation de Jaxhuem Montgomery, je la connais très bien pour l'avoir côtoyé de loin depuis le lycée, et ça n'est guère plus glorieux que celle de Noah et de Cade. La seule chose que j'espérais, c'est qu'Ahàron se tienne à carreau, même aussi bien entouré. Je secoue la tête, fourrant une nouvelle bouchée dans ma bouche tandis que je m'amuse plus ou moins en pensant que le moindre signe de drague vis-à-vis de Montgomery au boulot signifie obligatoirement que ça vienne aux oreilles d'Horswood, c'est un délire à quel point il y a des paniers percés à l'hôpital « Tranquille, m’ouais. J’recommence cette nuit. Ça veut dire que tu vas passer la journée avec moi, tu peux pas refuser de toute façon, t’as rien de mieux à faire, j’me trompe ? ». C'est étrange qu'on parvienne à se tolérer et à se voir en reffréner ce putain de désir et d'attirance qui crève les yeux. J'veux dire, j'sens pratiquement encore ses mains sur mes hanches et je refrissonnerais sans grand effort en repensant à ses lèvres dans mon cou « Faudra que tu me tiennes occupée, je m'endors comme une malade ». Vrai, il y a quelque chose d'épuisant à retenir mon envie de l'embrasser continuellement. Puis quand je lui tends une bouchée, j'en fous volontairement partout en éclatant de rire. Comme grisée par la proximité, c'est avec mes lèvres que je ramasse le yaourt à la commisure de ses lèvres en posant ma paume sur sa joue. Je relève la tête, passant la langue sur mes lèvres, plus ou moins mal à l'aise. En fait, non. J'suis simplement électrisée par mon audace, en fait. J'attrape le bol, prend sa main dans la mienne et va m'assoir en tailleur sur le divan, face à lui, avalant une nouvelle bouchée de ma délicieuse concoction « T'en veut encore? ». Je ne sais pas si je vais pouvoir jouer longtemps comme ça, je fais n'importe quoi parce que la fatigue m'enlève mes inhibitions et me persuade de mettre à jour des pulsions refoulées, puis il va pas se plaindre, pour une fois que je prends moi-même des initiatives, hein!

Combien… Combien de filles à l’hosto m’ont fait des œillades. Si j’m’amusais vraiment à compter, j’pourrais pas travailler correctement. « On va dire que y’en a beaucoup et que j’perds pas mon temps à les compter, ça te va comme réponse ? » Je sais que ça lui va pas, et qu’elle va afficher une moue jalouse mais j’vais faire comme si j’avais rien vu et continuer de jouer à son petit manège. Elle a envie de rire de moi, à cause de ça, je le vois, mais elle le fait pas. Elle se contente d’hausser les épaules. J’aimerais qu’elle se foute d’Ahàron comme ça, aussi. Simplement en haussant les épaules, qu’elle l’oublie, lui et tout le mal qu’il a pu lui causer parce que même si elle en parle pas, je sais qu’elle est brisée intérieurement. Je sais qu’elle se morfond parfois dans sa chambre en pensant que j’l’entends pas. Dans ces moments-là, j’préfère ne pas m’en mêler et rester dans ma chambre jusqu’à temps qu’elle veuille être avec moi de son propre gré. « Et comment que ça me plairait. Tu t’imagines la cotte que j’vais avoir après ? Tous les mecs là-bas vont me dire que j’suis chanceux d’me faire draguer par la plus jolie fille de l’hosto. » Elle va sûrement rougir et esquiver le compliment, mais c’pas faute d’essayer. Jheylann se voit pas comme je la vois, elle pense qu’elle est inférieure à ce que les gens peuvent lui faire penser et c’est pas le cas. Elle est belle, judicieuse, intelligente, féroce et elle sait où elle s’en va même si elle traverse une passe difficile. J’voudrais qu’elle s’confie à moi, que j’puisse enfin savoir d’où vient le problème une fois pour toutes. Les blocages qu’elle a par rapport à nous et tout le reste. En même temps j’la comprends et j’peux pas la brusquer. J’peux pas la pousser à me choisir alors qu’elle vient de quitter l’homme avec qui elle est depuis qu’ils sont gamins. Ça me blowmind de me rendre compte de tout ce par quoi ils ont dû passer. L’enfance, l’adolescence, le début de la période adulte et là… Tout se détruit, comme par magie, ou plutôt par malheur. J’sais pas, il m’semble que j’aurais pas voulu que ça s’termine ainsi, si c’était moi qu’étais à la place d’Horswood. « Tu t’endormiras pas avec moi, promis. » Elle comprend mon sous-entendu – si c’en était vraiment un cette fois – j’dis vrai. Elle aura interdiction de fermer l’œil de la journée parce qu’elle va devoir me supporter jusqu’au bout si elle s’embarque dans cette mission. J’lui souris, puis elle me donne une autre bouchée de son déjeuner et fait sûrement exprès de m’en mettre partout. J’reste silencieux pendant un instant, j’ose même pas détourner le regard parce que j’en ai marre de m’faire avoir à chaque fois. J’peux pas la laisser remporter le combat qu’on a pas encore commencé. Elle peut me tease autant qu’elle veut, j’me trouve déjà assez courageux de tenir, sachant que quand elle prend sa douche, j’suis le premier à mater. Que quand elle se lève le matin, j’me lève souvent en même temps rien que pour la voir, l’entendre et que quand elle s’en va, j’retourne dormir jusqu’à temps que ce soit à mon tour d’me lever pour me rendre à l’hosto. Putain, c’est incroyable comme un simple mouvement de main, expression de visage, autre geste complètement random et quelconque peut me tuer en une fraction de seconde. C’est à croire qu’elle sait qu’elle a du pouvoir et qu’elle s’éclate à l’exercer. Par exemple là, maintenant, tout de suite, à cet instant-même. Elle approche ses lèvres des miennes, mais pour nettoyer – en quelques sortes – son dégât. Je jurerais qu’elle fait exprès et qu’elle attend seulement que je fasse le premier mouvement pour me repousser, mais j’en ai pas envie. ‘fin, j’ai pas envie d’me faire repousser comme toutes les autres fois. Plus elle le fait, plus ça devient dur de m’y faire même si je sais que ça va venir. « J’en veux toujours. » Mais c’est pas nécessairement de son yogourt au je sais plus quoi que je veux encore et toujours, c’est elle. Sans hésiter, je me relève légèrement et m’approche rapidement d’elle, la regardant toujours dans les yeux. Si j’pouvais la faire craquer rien qu’avec mon regard, j’serais foutrement content, mais c’est pas aussi simple. J’enchaîne le deuxième pas, alors qu’elle vient de faire le premier en me provoquant. Je pose mes lèvres sur les siennes doucement, avant de la débarrasser de son déjeuner et m’étaler complètement sur elle. Nos lèvres sont toujours collées et j’perds mon souffle à chaque fois que nos langues se rencontrent. J’entremêle mes mains aux siennes et je sens ses jambes entourer ma taille. Si j’avais pas dit avant que j’aimais ce déjeuner, bah, je le dis maintenant…

« On va dire que y’en a beaucoup et que j’perds pas mon temps à les compter, ça te va comme réponse ? ». Je mords ma lèvre inférieure en levant les yeux au ciel. Ce mec est pas possible sérieusement, puis même si je trouve instantanément mille et une raison de vouloir lui faire du rentre-dedans si j'étais une infirmière, même une patiente, ou une autre interne, ça suffit pas pour que je me persuade que c'est normal. J'ai envie de soupirer, mais je le ravale rien que pour ne pas donner à Jaxhuem la satisfaction de prendre conscience que ça m'agace royalement. De toute façon, l'expression fermée de mon visage exprime déjà on ne peut plus le dilemme moral qui s'impose; il m'appartient pas, alors j'ai aucun droit sur lui. Pas faute d'en vouloir. Pas faute d'en avoir envie non plus, en fait. Reste que, peu importe la raison, il n'est pas à moi et je n'ai ABSOLUMENT rien à dire sur le fait qu'il se fait faire du rentre-dedans à gauche puis à droite à l'hôpital et ailleurs. Je hausse les épaules, incapable de retenir le petit commentaire « Bah y'a pas de quoi dégonfler ton égo à ce que je vois... dommage quand même ». Je lui adresse un léger sourire, amusée. Évidemment qu'il peut afficher un air satisfait et gonflé d'orgueil, il y a l'autre pétasse psychotique qui débarque l'autre jour pour me signifier clairement que Montgomery est à elle et de foutre le camp de sa vie impérativement. Je me rends compte que j'en ai toujours pas glisser un mot à Jax, préférant demander à Olivia d'abord qui c'est. Oh, une ex-copine, ça, c'est évident, mais y'a plus. Même avec Ahàron, ce qu'il me racontait sur ses potes, on a jamais eu droit à une mention de Jaxhuem ayant eu une petite-amie sérieuse. Ça me pique une curiosité monstre quand j'ose y penser. Pour me changer les idées, je fourre une bouchée de ma mixture délicieuse entre mes lèvres, croisant le regard de mon colocataire au passage « Et comment que ça me plairait. Tu t’imagines la cotte que j’vais avoir après ? Tous les mecs là-bas vont me dire que j’suis chanceux d’me faire draguer par la plus jolie fille de l’hosto. ». J'ouvre la bouche, puis la referme, incapable de trouver quelque chose dans ma répartie pour parer le choc. C'mon coeur qui fait un bond dans ma poitrine alors que je penche la tête pour ne plus être obnubilée par le regard hallucinant de Jaxhuem Montgomery. Je passe la main dans mes cheveux, secoue la tête, la relève par la suite. Un sourire aux lèvres, les yeux brillants. Ça fait du bien de se faire dire des trucs comme ça quand on a récemment appris que son ancien petit-copain a passé au pieu avec sa propre mère... « C'était gentil, ça ». J'ai envie de lui dire merci d'être là, d'être lui, de me faire rire quand j'ai envie de pleurer, de me donner envie de crier quand j'voudrais juste disparaître. Je sais vraiment pas comment j'aurais pu m'en sortir aussi bien sans sa présence, et si j'aurais cru que c'était à moi que l'un des meilleurs potes de Ahàron offrirait un support et, soyons franche, une tentation coupable. Parce que chacune de ses mimiques donnait envie de poser les doigts sur sa peau, de presser les lèvres contre les siennes, ce comportement de gamin même s'il est interne dans un centre de santé, son impulsivité et son tact. Je ne mentionne même pas que physiquement, il a de quoi faire perdre la carte de n'importe qui, et plus je m'en approche, plus je m'y brûle et que j'ai envie de recommencer. Ça parait fou, mais si je me retiens, c'est qu'il me plait trop. Ça me fout une trouille de malade de me sentir retournée comme ça chaque fois qu'il enserre ma taille de ses bras « Tu t’endormiras pas avec moi, promis ». Un frisson me traverse l'échine alors que je lui adresse un sourire amusé, je réponds franchement du tact au tact « Ce n'était pas comme si tu m'inspirais la moindre envie de fermer les yeux de toute façon ».

Je bouffe un peu de mon yaourt, passe la langue sur mes lèvres pour en effacer la moindre trace, puis tend la cuillère en direction de la bouche de Jax. Évidemment, inconsciemment - ou consciemment un peu, quand même - je lui en fous un peu partout. Inspirée, je m'en approche, la main posée sur sa joue, pour " nettoyer les dégâts ". Rien d'aussi désagréable que de passer la serpillère, au contraire, si la bouche de Jax goûte les fruits, il reste tout de même que son parfum et l'odeur indéniable de l'hôpital qui lui colle à la peau rend ça on ne peut plus irrésistible.. si c'est humainement possible « J’en veux toujours ». Je n'ai pas le temps de réfléchir au sens de ses propos que je le regarde s'approcher, le laisse faire, captivée. Son regard braquer dans les miens, il finit par prendre possession de mes lèvres, non sans que je l'attire contre moi, le coeur battant comme un dingue. Il déplace le bol pour imposer le poids de son corps sur le mien. Putain. Putaiiiiiiiiiiiiin. Il remonte mes mains au-dessus de ma tête, entremêlant ses doigts entre les miens. Instinctivement, j'approche de nouveau mon visage pour l'embrasser, serrant mes jambes sur ses hanches, arquant mon corps pour le coller contre celui de Jax. Je respire à peine, mais ça m'importe peu. Puis, suite à un geste maladroit, je nous fais tomber sur le sol, de pas très haut, mais je me retrouve sur lui à rire comme une dingue dans son cou alors que mes jambes enserrent sa taille. Je laisse mon rire se calmer, puis presse mes lèvres contre le creux de son omoplate, remontant sous son oreille, passant sa mâchoire, puis embrassant sa lèvre inférieure. Me redressant légèrement, retenant mes cheveux d'un bras, un sourire franchement amusé aux lèvres, je rétorque « Mais c'est que j'ai le dessus sur toi on dirait ». Mes mains glissent sous son chandail, remonte jusqu'au haut de son torse alors que je me penche sur lui « C'est ça que tu planifiais pour m'empêcher de céder à la fatigue, ou... ».

Putain, je peux pas croire que j’aie cette opportunité. Ce qu’on s’apprête à faire, si ça arrive réellement aujourd’hui, c’est au-dessus de ce dont j’ai plus que rêvé à maintes reprises. J’sais même pas comment le prendre, sûrement bien parce que ça veut dire qu’elle va enfin craquer et que les efforts que j’ai mis seront pas envoyés à la corbeille. « Normal. » Que je lui dis, tout sourire. « J’pense réellement que t’es la plus belle fille de l’hosto, j’te promets que ce sont pas des paroles en l’air. » Cette tension qui s’est faite un plaisir de s’imposer entre nous, c’est de la merde quelques fois. J’veux dire, je sais pas comment j’ai fait pour tenir si longtemps, depuis le temps que ça dure surtout. Elle est difficile à déchiffrer par moments et je suis pas un psy, ni une autre sorte de docteur qualifié pour les problèmes de cœur. J’suis qu’un pauvre mec, je sais même pas comment j’pourrais arriver à comprendre ce qu’elle ressent si elle m’en parlait, ou ce que j’ressens d’ailleurs. Ça me démange de l’intérieur de devenir retenir tout ça. J’ai l’impression que ça va finir par me rendre sénile, parce que je veux pas... J’veux pas briser le lien spécial qui nous unit en ce moment. j’pourrais lui sauter dessus sans retenue, m’arranger pour qu’elle couche réellement avec moi que pour les intérêts, alors que c’est pas ça du tout. Ce sont pas que les intérêts qui comptent, y’a ce qu’on ressent quand l’autre est là, en plus de tout ce par quoi on est passés dans le passé et qui nous a rendu plus forts aujourd’hui. C’est plus facile, après plusieurs échecs de se relever et de faire fonctionner ce qu’on a, parce que vu qu’on connaît plus ou moins nos failles, on arrive à les fixer pour que tout fonctionne comme on le veut. J’peux pas parler de mes expériences passées à Jhey, parce que je sais pas si elle comprendrait réellement. Elle avait aucunement une relation comme j’ai eu avec Rafy avec Ahàron. Eux, ils s’aimaient et pouvaient passer des journées entières à se le dire, tandis que moi, c’était un je t’aime sans réponse, mais des actions qui le prouvaient. Ils étaient dépendants de l’autre tout en étant indépendants, avec Rafy, c’était que la dépendance qui nous définissait. Elle a eu raison de nous, qui plus est. « Sans me vanter, j’suis pas du genre ennuyeux. J’aurais pas eu grand succès si c’était le cas… » Je la regarde manger, me demandant comment on va arriver à quelque chose, là, tout de suite. Je la regarde et plus je le fais, plus j’ai une porte ouverte directe vers son âme. Tout ce qui manque, c’est les événements qui l’ont modelée. Qui l’ont rendue comme elle est aujourd’hui, parce que Jheylann doit savoir qu’elle est bien plus qu’une simple fille qui vient d’un coin paumé et qui vit sa vie comme toutes les jeunes femmes de son âge. J’en connais qui font que profiter des autres pendant qu’elles le peuvent, qui se cherchent des gens que pour les intérêts et le fait que plus tard, elles vont avoir besoin d’argent pour accomplir toutes les conneries qu’elles ont en tête. J’en connais qui tueraient pour pouvoir s’afficher au bras d’un millionnaire vieux et dégueulasse rien que pour le prestige. Elles se disent que ça en vaut la peine parce qu’elles vont hériter de tout par la suite, mais où est le bonheur quand il est acheté ? Y’en a pas, justement. C’est de la merde en conserve et ça sert à rien, sérieusement. Je voudrais pas être riche et voulu que pour ça, même que je crois que j’le cacherais, rien que pour voir si les gens sont toujours aussi pourris aujourd’hui. Quand on apprend des trucs sur la vie, on apprend majoritairement les trahisons des gens envers les autres et on s’demande souvent s’il reste encore des gens à qui on peut réellement faire confiance. Moi, je le sais, j’en ai… Mes meilleurs amis, Jheylann, ma sœur surtout. Ma sœur, c’est la personne la plus importante dans ma vie et je sais qu’elle et moi – même si on a pas la plus belle des relations par moments – je pourrais jamais la perdre, parce que je le montre pas, mais elle sait que je l’aime plus que tout au monde. Un peu comme l’autre partie de moi qui me rend meilleur, si on peut dire ça comme ça.

Bref, trêve de pensées déplacées, je dois me concentrer sur ce qui est important. Jheylann Davenport a pris une place importante dans ma vie bien trop rapidement et ça me fait peur parfois, quand j’me dis qu’on était pas supposés se retrouver dans cette situation. On devait pas habiter ensemble normalement. C’est avec Ahàron qu’elle aurait dû être entrain de cohabiter. Se chercher une maison, planifier un avenir, whatever the fuck couples do… Genre, j’me sens de trop, mais parfois j’ai seulement l’impression que si ça s’est passé comme ça, c’est pour une raison. J’me suis pas pris une droite de la part d’Horswood pour que dalle. Je sais qu’il aime Jheylann pour en avoir fait des éloges tout au long de nos années de connaissance et pour nous avoir fait comprendre à quel point elle représentait beaucoup pour lui. Ce que j’arrive toujours pas à comprendre – s’il l’aimait tant – c’est pourquoi il l’a fait partir. C’est cruel d’aimer quelqu’un autant et de pousser la personne à partir. C’est triste de se retrouver misérable et de tout blâmer sur les gens autour de nous, comme Ahàron semble si bien le faire en ce moment. Je parie qu’ils se sont revus depuis le temps, parce que même si Detroit est grand, ils traînaient quand même souvent ensemble et ils se connaissent par cœur. Qui plus est, il doit sûrement lui avoir raconté des conneries sur moi qui feront qu’elle va douter de ma loyauté envers elle et des sentiments que j’pourrais éventuellement avoir à son égard. Soit, après que j’aie prie une bouchée de sa mixture – qui goûte bon, contre toute attente – je me retrouve en deux temps, trois mouvements sur elle, puis on tombe maladroitement au sol. Pas de mal, c’était pas une grande chute… Elle se retrouve par-dessus moi et je me sentirais impuissant si j’étais pas capable de rétablir la situation d’un simple mouvement, mais je la laisse là pour le moment. « Ouais, pour l’instant… Tu prévoyais autre chose ? » Sourire en coin, j’approche son visage du mien et recommence à l’embrasser. Je me relève légèrement et fais partir mon chandail avec son aide. Puis, j’pose mes mains sur ses hanches et les descends légèrement, comme pour la caresser, lui donner des frissons. Elle décolle ses lèvres des miennes, le temps de prendre de l’air et je l’embrasse dans le cou en attendant. Je fais d’une pierre deux coups en la retournant en-dessous de moi. J’enlève son chandail – qui est d’ailleurs le mien – pour voir ce qui se cache en-dessous, soit : rien. « Comme ça, on est à égalité. » Que je dis, tout sourire, sourcil arqué. Je m’approche d’elle et embrasse le haut de sa poitrine, avant de m’affairer à quelque chose de plus sérieux… Je descends au fur et à mesure que les secondes passent et mes mains s’accrochent à la bordure de sa petite culotte. Chance pour moi, je crois, elle portait pas de short. ‘tain, je perds le contrôle j’ai l’impression. Mon cœur se serre et je sens plus mon boxer qu’avec mes jambes… J’me mords la lèvre inférieure et j’me replace sur Jhey après avoir envoyé valser sa seule couverture. Bordel de merde… j’suis entrain de rêver en espérant que ce soit vrai, parce que ça me tuerait qu’encore une fois, ce soit que le produit de mon imagination.

« J’pense réellement que t’es la plus belle fille de l’hosto, j’te promets que ce sont pas des paroles en l’air » qu'il souffle, d'un trait. Ça me gave de le croire et de sentir le rouge qui me monte aux joues. Non, j'ai jamais cru que j'étais horrible, j'veux dire, je sais que ce serait con, mais de là à dire un truc pareil, y'a un putain de pas. Pourtant, quand je sonde le regard de Jax, j'ai l'impression qu'il y croit pour de vrai, et ce, peu importe ce que j'en pense. Ça me fait frissonner de commencer à me laisser atteindre par les mots qui sortent de sa bouche, surtout connaissant la bande d'Ahàron comme je les connais, tant Jax que Noah, tant Ahàron que Cade. Ils sont les mecs de la place, ceux qui font détourner les regards et qui adorent l'attention que ça leur procure dès qu'ils passent devant une bande de filles. Le genre qui peut se taper n'importe quelle fille qu'ils veulent, et y'a déjà la prochaine sur la liste qui attend au pied du lit. J'ose espérer qu'Ahàron s'est pas laissé entraîner dans leurs conneries, et je crois pas un jour trouver le courage de poser la question à Jaxhuem. De un, la dernière chose dont j'ai jamais envie de parler, c'est de mon ancien petit-ami. De deux, si l'allégeance est trouble entre Ahàron et lui, je ne crois pas que Montgomery me dise, la bouche en coeur, qu'Ahàron a effectivement fait si ou ça. De trois, je ne veux même pas le savoir. J'veux même pas imaginer qu'il ait pu, et si je n'en aurais jamais douté avant, ce n'est plus le cas depuis deux mois. Je pourrais fondre en larmes à l'annonce de la moindre autre connerie, même si je me calle les soirs de tempêtes dans les bras d'un autre, aussi ridicule que ça puisse paraître. Je soupire doucement, fout ma main dans mes cheveux, incapable de délaisser mon esprit qui fonctionne à plein régime pour commenter ses propos. D'ailleurs, mes pommettes s'en sont chargées silencieusement, donc s'il en voulait plus, c'est tant pis « Sans me vanter, j’suis pas du genre ennuyeux. J’aurais pas eu grand succès si c’était le cas… ». Je souris en détachant mon regard qui fixait devant moi pour détourner les yeux vers lui. Je pourrais lui dire que même avant qu'il ouvre la bouche, parle de sa voix rauque et chaude, on a vraisemblablement envie de l'approcher, et même d'y revenir. Le fait qu'il soit interne en médecine ne gâche rien, ni même que son sens de la répartie soit particulièrement aiguisé. Dans d'autres termes, y'en a surement plusieurs qui voient Jaxhuem Montgomery comme l'homme parfait, et il semble tout faire pour qu'on inscrive mon nom sur cette liste-là...

« C'est vrai que la vantardise, dans ton cas, c'est vraiiiiiment pas ton genre de toute façon, hein? » que je lui souffle en pouffant. Je suis incapable de rester sérieuse trop longtemps, parce que ça me met les nerfs en boule et que je perds mes moyens déjà facilement face à lui, c'est rien si mes nerfs s'en mêlent. Mais j'aurais du me douter que ça se retournerait contre moi de le laisser m'approcher et de jouer comme d'habitude à ce bon vieux jeu du chat et de la souris. Allez savoir pourquoi suis-moi, je te fuis, me plaît autant, sans doute parce que ça ne m'oblige à rien. Du moins, jusqu'à ce que ça aille trop loin, parce que dommage pour le commun des mortels, si j'aime la drague et le rentre-dedans, le truc préliminaires et tout ne se gagne pas d'un battement de cil. Il y a longtemps que j'aurais du, que j'aurais voulu, laisser Jaxhuem passer le cap de ces garçons avec qui j'ai jamais que flirter, mais je suis terrorisée de ce que ça peut impliquer. J'ignore même s'il a conscience que si je me glisse dans ses bras quand je me sens seule, que je m'endors parfois contre lui sur le même divan duquel on vient de glisser, ce ne sera plus jamais pareil si on saute ce foutu pas. Un pas, une putain d'autre limite « Ouais, pour l’instant… Tu prévoyais autre chose ? ». J'esquisse un sourire en approchant mon visage du sien, tout en retenant mes cheveux d'un bras tandis que ses paumes glissent sur mes hanches, descendant doucement en narguant chaque parcelle de mon épiderme sous son chemin qui fut découverte à ce moment-là. Évidemment, un frisson traverse mon échine « Outre voir comment tu te débrouilles pour avoir toute mon attention, pas grand chose ». Je sursaute en m'accrochant à lui tandis qu'il me renverse, son chandail plus loin, ses lèvres se pressant sur les miennes, alors que j'entoure le temps d'une seconde son cou de mes bras. Des caresses, des baisers volés, puis je réprime un cri de surprise quand je me retrouve sous lui, mordant ma lèvre inférieure, le regardant remonter son chandail que je porte, réalisant brusquement que j'porte rien en dessous « Comme ça, on est à égalité ». Putain, son regard qui glisse sur ma peau, avant que son visage plonge au creux de mon cou, descendant sur ma poitrine, n'épargnant rien, insistant même sur les zones plus sensible. Je me cambre involontairement, mon dos s'arquant doucement tandis que son parcours se termine près de mon nombril. Je redresse la tête, me tenant sur mes avants-bras, soulevant légèrement le bassin pour lui permettre de retirer ma petite-culotte. Je frissonne, j'me sens nue, réalité oblige. Je l'attire contre moi, ma main sous son menton, mon visage dans son cou, remontant sur sa mâchoire, mêlant baisers et morsures, prenant la peine de respirer contre ses lèvres avant de l'embrasser, mes paumes glissant le long de son torse, laissant mes ongles faire des traînées rougeâtres tout le long, m'arrêtant à son boxer, remontant sur ses hanches alors que mes doigts passent sous son boxer - la vengeance est douce - en imposant à son corps de se rapprocher du bien, bloquant ma poitrine contre son torse « S'il se passe ce qui va se passer, y'a bien des trucs qui vont changer Jax, t'en est conscient? ». Je repose ma tête sur le sol, me félicitant d'être encore capable de phrases cohérentes alors que j'suis autant excitée. Je le fixe des yeux, le coeur battant la chamade, remontant une paume pour la passer sur sa joue...